L’idée de cette installation vidéo olfactive s’est imposée à moi au regard de l’ensemble de l’exposition. La majorité des installations explorent les sensations diverses et la perception de la vie quotidienne à Istanbul en stimulant le toucher, la vue, l’ouïe et le mouvement. J’ai donc eu le désir de travailler sur l’odeur qui, pour moi, occupe une place essentielle dans cette ville.
Lieu d’imbrication de plusieurs cultures depuis des millénaires, Istanbul peut aussi se définir comme la ville de synthèse des odeurs. Des senteurs intenses émanent du Bazar égyptien (marché aux épices), des restaurants de kebab, des marchés aux poissons, des points de vente de pain et de poisson au bord de la Corne d’or, des cafés turcs, des narguilés sur les terrasses, du thé turc et du simit (pain turc au sésame) que l’on consomme dans les vapeurs qui traversent le Bosphore, de l’eau de Cologne citron ou lavande, sans oublier les transports en commun, les foules, les poubelles, etc. Toutes ces odeurs et beaucoup d’autres abondent et circulent librement dans la ville.
Ma seconde motivation reflète une simple réalité : les installations interactives privilégient les sens de la vue, de l’ouïe et même du toucher sur les autres. Pourtant l’odeur occupe une place particulière dans la littérature. Baudelaire et Proust ont mis l’accent sur celle-ci et l’ont associée à une sensation et à la « mémoire involontaire ».
Les dispositifs technologiques et les environnements interactifs donnent aux visiteurs la possibilité d’expérimenter plusieurs sens à la fois, comme par exemple visionner en touchant, écouter en se déplaçant. Michel Bernard mentionne l’œil qui écoute dans son article « Sens et fiction, ou les effets étranges de trois chiasmes sensoriels » en parlant du chiasme inter-sensoriel. L’odorat ne trouve pas sa place dans ce genre d’installation car il est plus difficile de la contrôler que l’image et le son. De surcroit, les odeurs sont volatiles donc éphémères alors que l’on peut répéter à l’infini une image ou un son enregistré. Par conséquent, travailler sur l’odeur et ses associations m’offrait de nouveaux champs à explorer. C’est pourquoi l’installation porte le sous-titre de hyperosmia qui se définit comme l’exacerbation de l’odorat.
Cette installation est en quelque sorte le point de conclusion des installations que j’avais effectuées auparavant – Entre-deux et Encounters – des œuvres expérimentales sur le mouvement et la texture du corps respectivement, en relation avec les objets mécaniques et l’effet naturel de l’environnement. La première a été réalisée à Paris lors d’un atelier de vidéo-danse et la deuxième à Celrà-Girone lors d’une résidence à L’animal a l’esquena. Il s’agissait dans ces installations de visionner simultanément les différentes parties du corps en gros plan et le mouvement des machines et des textures. Ici, les séquences vidéo de corps vont être déroulées en fonction des odeurs qui seront dégagées lors du déplacement des visiteurs.
Cette installation a vu le jour grâce au collectif boDig. Je remercie particulièrement Gülay et Kemal Yiğitcan ainsi que Cem Uzunoğlu pour la partie interactive.
Notice
It is almost impossible not to recognize the clash of various kinds of scent in the city of Istanbul. Encounters_2/Hyperosmia is an interactive olfactive video installation which seeks to give the visitor a perception of the city through smell. There are three screens on the wall and a box with holes below them. As the visitor approaches one of the three screens, a particular scent will be emanated from the box below through a sensor that triggers the fan. While the visitor inhales the smell, there will be short video sequences of the body parts on the screen in relation to the scent. If there are three people approaching the screens at the same time, there will be a combination of three scents in the space. This combination may vary in many probabilities with up to a combination of six people triggering the scents.
Credits
Concept and video: Aylin Kalem
Interactive design: Gülay Yiğitcan, Cem Uzunoğlu, Kemal Yiğitcan
Special thanks to Eda & Burak İşcen
This installation is the 3rd phase of Aylin Kalem’s installations entre-deux and encounters which were created in Gare au Théâtre with Paris 8 University Dance Department and at l’animal à l’esquena (Celrà – Girona).